Histoire et anatomie
Plus on en apprend sur le corps humain, plus on découvre de façons étonnantes que notre passé évolutif continue toujours d’influencer notre présent. Que ce soit au niveau de la psychologie, de la sociologie ou de la génétique, on se rend de plus en plus compte que plusieurs phénomènes présents s’expliquent bien par les transformations que nos ancêtres ont subis pour mieux survire en tant qu’espèce.
Aujourd’hui, je vous propose d’explorer l’anatomie musculo-squelettique humaine pour mieux expliquer différentes structures qui ont dû s’adapter au cours des centenaires et qui peuvent permettre de mieux comprendre certains problèmes qui peuvent advenir.
Le psoas
Un des plus gros changements qui s’est opéré dans l’évolution humaine est le passage de la marche quadrupède à la marche bipède. Cet exploit, largement attribué à notre ancêtre l’Homo Erectus, a nécessité plusieurs changements structuraux dans l’anatomie humaine.
Subissant soudainement la force gravitationnelle dans un nouvel axe, le tronc et le haut du corps humain ont dû se réorganiser pour ajuster leurs fonctions aux nouvelles postures. C’est au niveau de la hanche que plus gros changement s’est opéré, son angle anatomique passant de 90 à 180 degrés en très peu de temps.
Le muscle qui a le plus écopé de ce changement est le psoas, devant assurer une grande partie de la stabilisation de la colonne vertébrale tout en continuant d’assurer la motricité des membres inférieurs. Son évolution a dû se faire lentement et est à ce jour incomplète chez plusieurs individus, qui se retrouvent avec un psoas trop court.
Un psoas trop court entraine une accentuation de la lordose lombaire ainsi qu’une rotation externe de la hanche. Une hyperlordose est en soit un débalancement antéro-postérieure des structures en présence qui peut causer non seulement mes tensions musculaires désagréables, mais aussi des douleurs et se mettre à risque pour une panoplie de pathologies comme la spondylolisthésie.
Une rotation externe des hanches, elle, modifie l’axe de travail de tout le membre inférieur et peut entraîner des tensions et autres problématiques, alors que le corps essaie de compenser pour garder les mouvements efficaces malgré un axe sous-optimal. Dernièrement, le psoas, étant en continuité avec le diaphragme dans la chaine musculaire pelvienne profonde, peut influencer ce dernier et ainsi causer une baisse de capacité de contraction qui peut affecter la puissance du système respiratoire.
Le sacrum
Le psoas n’est pas la seule structure au niveau de la hanche qui a beaucoup évolué. En tant que descendant du singe, la plus grande différence au niveau de notre squelette est le manque flagrant d’une queue.
En fait, comme plusieurs d’entre vous savez peut-être, c’est notre coccyx qui est le vestige de notre ancienne queue, disparue au cours des millénaires par le simple fait qu’elle n’avait plus de fonction. Il est intéressant par contre, de comprendre l’utilité de ce petit segment qui est en fait quatre petites vertèbres fusionnées.
Situées au bas de la colonne vertébrale et s’articulant avec le sacrum, les vertèbres coccygiennes, ont apparemment résisté à la disparition qui a affecté le reste de la queue en question pour une raison simple: elles sont l’origine de quelques muscles fessiers.
En effet, durant la transition quadrupède-bipède abordée dans le paragraphe précédent, les muscles fessiers ont gagné beaucoup en masse musculaire et en puissance. Dans leur croissance, ils ont maximisé leur surface d’insertion osseuse et le coccyx, agissant comme rallonge du sacrum, est parmi ces lieux d’expansions.
On comprend donc pourquoi un coccyx fracturé peut être si douloureux et incapacitant dans les déplacements et pourquoi un coccyx déplacé pour créer des sensations d’inconfort ou même de faiblesse dans les membres inférieurs chez la personne.
Les avant-bras
Une implication de la différence du type de locomotion entre nous et nos cousins primates est que nous utilisons beaucoup moins nos bras pour nous déplacer d’arbre en arbre. Même si nos mains jouent un rôle indéniable dans notre vie de tous les jours, la puissance musculaire requise pour accomplir nos tâches journalières ne cesse de diminuer.
Les emplois physiquement demandants comme ouvrier sont en perpétuel déclin, les tâches de bureau sont en hausse et notre corps n’est pas nécessairement bien outillé pour suivre la tendance. Par le passé, les fléchisseurs (muscles qui ferment les doigts et qui bougent la main dans le sens de la paume) étaient bien plus sollicités que les extenseurs et bien que toujours présents, ce ratio est bien moins marqué.
Le travail de bureau par exemple, qui requiert une position des poignets en légère extension, peut imposer des contraintes mécaniques incommodantes pour les poignets et les muscles avoisinants. D’autre part, par redondance, certains muscles des membres supérieurs ont commencé à disparaitre complétement de notre anatomie. Le long palmaire, entre autres, n’est ainsi présent que chez 86% des humains contemporains.
Une deuxième vie
Même si notre évolution constante a tendance à traîner des structures désuètes, redondantes ou carrément inutiles, nous avons dernièrement trouvé une façon ingénieuse de les utiliser.
Dans le milieu toujours étonnant de la chirurgie, une structure peu pertinente peut être retirée pour remplacer une autre plus utile qui a été endommagée ou qui est simplement manquante. Un de ces muscles qui est souvent utilisé pour des greffes tendineuses est le muscle plantaire. Composé du plus long tendon du corps humain, du moins de celui des 88-92% des humains qui en ont toujours un, le muscle plantaire s’ajoute au long palmaire sur la liste des muscles les plus utilisés pour les greffes tendineuses.
Conclusion
Il existe évidemment plusieurs autres exemples de trace de notre évolution anatomique dans notre composition actuelle, mais j’espères que ces quelques exemples vous ont permis de comprendre un peu mieux les raisons pourquoi nous sommes constitués ainsi et pourquoi nous pouvons être prompts à vivre certaines douleurs en particulier.
Cependant, il ne faut pas utiliser cette connaissance comme excuse et s’apitoyer sur comment notre corps peut être mal formé. Faites plutôt comme les chirurgiens et utilisez cette connaissance pour mieux régler les problèmes présents!