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Manger ''santé'' : comment? | Anahite Afshar, Nutritionniste-diététiste 

 

Anahite Afshar

Manger santé  :

« Quels sont les aliments à éviter ? »

Cette question, trop souvent posée, implique qu’il y aurait des aliments mauvais pour la santé et que, pour « manger santé », il faudrait les abolir.

Avant tout, pour comprendre l’effet des aliments sur la santé, il faut comprendre ce qu’est la santé.

L’OMS définit la santé comme étant « un état de complet bien-être physique, mental et social, et [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité ». (1)

Il y a définitivement un lien très important entre l’alimentation et la santé globale.

L’alimentation et le bien-être physique

L’alimentation joue un rôle très important dans le bien-être physique. Tout d’abord, manger est nécessaire pour la survie. Si on ne mange pas, on meurt. Sans se rendre à cet extrême, on n’a qu’à penser aux inconforts (gargouillements, mal de tête, manque d’énergie, ...) ressentis lorsqu’on saute un repas pour réaliser son importance.

De plus, si on ne consomme pas suffisamment ou si, au contraire, on consomme trop de certains éléments nutritifs, on peut développer des carences alimentaires ou de la toxicité, ce qui a pour conséquence un dysfonctionnement de l’organisme. Une carence en fer, par exemple, entraîne de l’anémie ferriprive, alors qu’un excès de vitamine A conduit à une réduction de la densité minérale osseuse, à des anomalies congénitales et à des anomalies hépatiques (2).

Par ailleurs, l’alimentation a un impact sur le bien-être physique à long terme. Selon l’OMS, une mauvaise alimentation est l'un des principaux facteurs de risque pour une série de maladies chroniques (maladies cardiovasculaires, cancer, diabète) ainsi que celles liées à l'obésité (3).

Parallèlement, une saine alimentation aide à prévenir ou à traiter diverses maladies. L’adhérence au régime méditerranéen, par exemple, est associée à une amélioration significative de la santé, avec une réduction significative de la mortalité due aux maladies cardiovasculaires, de l'incidence ou de la mortalité par cancer et de l’incidence de la maladie de Parkinson et de la maladie d'Alzheimer ainsi que de la mortalité en général (4).

D’un autre côté, lorsque la santé physique se détériore, très souvent, l’appétit à également tendance à se détériorer.

Comme le disait Obélix, « quand l’appétit va, tout va »!

L’alimentation et le bien-être mental

L’alimentation a également un effet sur le bien-être mental.

On n’a qu’à penser à l’irritabilité ressentie lorsqu’on a très faim. Dans le langage urbain anglais, un nouveau terme a même été créé pour décrire cet état. Il s’agit du mot « hangry », un amalgame des mots « hungry » (faim) et « angry » (colère) (5).

Dans les faits, plusieurs études mettent en évidence les liens entre les aliments et les changements au niveau des neurotransmetteurs « du bonheur » au cerveau (6).

Certaines études, par exemple, suggèrent qu’un bon apport en oméga-3 est associé à une réduction des symptômes dépressifs (7). Par ailleurs, la carence en vitamine D serait associée à une moins bonne humeur et à de moins bonnes performances cognitives (8). Ce qui explique en partie la dépression saisonnière des mois d’hiver.

D’un autre côté, la perte d’appétit fait partie des symptômes fréquents de la dépression (9).

L’alimentation et le bien-être social

On ne mange pas uniquement en fonction de notre besoin vital. Manger est également un acte social.

La cuisine est un aspect important de notre culture. On se rassemble d’ailleurs très souvent autour d’un repas ou d’un buffet lors de festivités.

De plus, dépendamment du contexte social, on risque de manger plus ou moins si on est seul, devant la télé, en groupe d’amis ou avec des étrangers (10). L’aspect social affecte notre alimentation de plusieurs manières. Le fait de vivre et de manger seul, par exemple, réduit la quantité et la qualité de l'alimentation chez les personnes âgées (11).

Par ailleurs, dans les cas de troubles alimentaires, une caractéristique malheureusement présente est l’isolement des personnes qui en souffrent (12).

Les aliments affectent ainsi toutes les facettes de la santé.

Cependant, un aliment, consommé à lui seul, a peu de conséquences sur la santé globale. Pour catégoriser un aliment de mauvais pour la santé, il faut qu’il nuise directement à la santé physique et/ou mentale et/ou sociale. À moins d’une allergie ou d’une intolérance alimentaire, aucun aliment n’a un tel pouvoir.

Certes, il y a des aliments moins nutritifs que d’autres. Cependant, même s’ils nous apportent peu d’avantages sur le bien-être physique, ils ne sont pas automatiquement dangereux, ils sont même parfois bénéfiques sur le bien-être social et mental.

En réalité c’est le dosage qui fait le poison.

Prenons l’exemple du sel. Le sel de table est formé de chlorure de sodium, soit du chlore et du sodium. Le sodium est un minéral présent dans le sang et a un rôle essentiel dans le bon  fonctionnement de l’organisme. Il permet la contraction musculaire, transmet les informations entre le cerveau et le reste du corps sous forme d’impulsions électriques ou influx nerveux et dirige l’entrée et la sortie d’eau des cellules en partenariat avec le potassium. L’excès de sodium contribue à faire augmenter la tension artérielle. Au Québec, en grande partie à cause de l’industrie alimentaire, la moyenne de consommation est de plus de deux fois le besoin (13), et la plupart des gens aurait avantage à réduire leur consommation. Cependant, une carence en sodium entraîne une hypotension, une altération du système nerveux, une déshydratation, des crampes musculaires et une détérioration de la fonction rénale (14). Le sodium devrait donc être consommé, mais avec modération. 

Inversement, aucun aliment n’est essentiel pour la santé et aucun aliment ne garantit la santé à lui seul.

En résumé, il n’y a pas de bons ou de mauvais aliments pour la santé, il y a des aliments de haute valeur nutritive et d’autres de plus faible valeur nutritive. Il n’y a aucun aliment à éviter réellement, mais il y a des aliments à consommer quotidiennement et d’autres à apprécier plus occasionnellement. C’est l’équilibre global qui est important.

Donc, c’est quoi manger santé?

C’est d’adopter de bonnes habitudes alimentaires, savourer une variété d’aliments avec plaisir, sans culpabilité, en bonne compagnie et dans le respect de son corps.

Anahite Afshar, Dt.P., M.Sc.

Références

1. Préambule à la Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé, tel qu'adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19 juin -22 juillet 1946; signé le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 Etats. (Actes officiels de l'Organisation mondiale de la Santé, n°. 2, p. 100) et entré en vigueur le 7 avril 1948.

2. Institute of Medicine of the National Academies. Dietary Reference Intakes for Vitamin A, Vitamin K, Arsenic, Boron, Chromium, Copper, Iodine, Iron, Manganese, Molybdenum, Nickel, Silicon, Vanadium, and Zinc. National Academies Press, Washington, DC. 2006.

3. OMS : http://www.who.int/topics/diet/fr/

4. Sofi F et al. (2008). Adherence to Mediterranean diet and health status: meta-analysis. BMJ. BMJ. 337: a1344. doi:10.1136/bmj.a1344

5. http://www.urbandictionary.com/define.php?term=Hangry

6. Fallon S, ShearmanE, Sershen H, Lajtha A. (2007). Food reward-induced neurotransmitter changes in cognitive brain regions. Neurochemical Research (32) 1772- 1782.

7. Giles GE et al. (2013). Omega-3 fatty acids influence mood in healthy and depressed individuals. Nutrition Reviews.71(11):727–741. doi:10.1111/nure.12066

8. Wilkins HC et al. (2006). Vitamin D Deficiency Is Associated With Low Mood and Worse Cognitive Performance in Older Adults). Am J Geriatr Psychiatry 14:12

9. Fondation des maladies mentales : maladie-mentale.html#Symptômes

10. Hetherington MM et al. (2006). Situational effects on meal intake: A comparison of eating alone and eating with others. Physiology & Behavior. 88(4-5) 498–505.

11. Hughes G et al. (2004). Old and alone: barriers to healthy eating in older men living on their own. Appetite. 43 (3) 269–276.

12. Aneb: https://anebquebec.com/troubles-alimentaires

13. Institut national de santé publique du Québec. Blanchet C., Plante C. et Rochette L. (2009). La consommation alimentaire et les apports nutritionnels des adultes québécois. Repéré à https://www.inspq.qc.ca/pdf/publications/931_RapportNutritionAdultes.pdf

14. Extenso : http://www.extenso.org/article/sodium/

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