Didier Gall
Cela commence un matin en vous réveillant : vous sentez une raideur dans une articulation.
Une sorte de pointe en acier qui s’enfonce dans votre hanche, votre dos ou votre genou, en descendant les escaliers. La douleur s’éveille des que vous pressez du doigt votre articulation. Peu à peu, votre flexibilité régresse. Vos articulations deviennent rouges, chaudes, enflées, parfois même déformées. Au moindre changement de température, vos souffrances empirent.
Depuis le début de notre siècle, la recherche médicale indique qu’il y a un grand espoir de pouvoir guérir l’arthrose de façon naturelle, sans opération chirurgicale risquée (et douloureuse !) et sans médicament. En effet, l’arthrose n’est pas un simple processus d’usure, qui apparait avec le temps. C’est en réalité le résultat d’un processus inflammatoire, provoqué au départ par un traumatisme (choc, accident, etc.), ou par d’autres causes inflammatoires (intolérances alimentaires chroniques discrètes), et qui touche la cellule spécialisée qui fabrique le cartilage, le chondrocyte.
Le chondrocyte est la pièce maitresse de l’articulation. Inlassablement, jour après jour, il synthétise tous les éléments du cartilage qui assureront le bon fonctionnement de l’articulation: le collagène, qui lui donne sa résistance et les proteoglycanes, de grosses éponges qui permettent d’absorber les chocs. Mais il arrive que les chondrocytes deviennent malades. Dans ce cas, non seulement ils ne produisent plus de cartilage neuf en remplacement de celui qui disparait normalement, mais ils se mettent à détruire le cartilage qu’ils ont fabriqué, précipitant immanquablement l’apparition de l’arthrose! Le seul moyen de traiter l’arthrose en profondeur, et pas seulement ses conséquences (la douleur), est de normaliser l’activité du chondrocyte et l’inflammation qu’il engendre, et fournir à la cellule les matériaux nécessaires pour refaire du cartilage neuf.
Examinons ensemble une articulation :
On voit qu’elle est fermée par une membrane d’aspect rose et lisse qui secrète le liquide synovial (ou synovie) dans lequel baigne le cartilage. Le cartilage sain a un aspect lisse, poli et brillant. C’est un matériau élastique qui joue le rôle d’amortisseur et permet d’épargner la surface des os. Lors d’un mouvement articulaire, le cartilage réduit les frictions avec l’aide de la synovie qui facilite le glissement. Si l’on approche de plus près, on voit que le cartilage est constitué de collagène dans lequel sont emprisonnées des proteoglycanes. Le collagène est un réseau de fibres qui donne sa forme et ses propriétés de tension au cartilage. Quant aux proteoglycanes, imaginez-les comme des éponges ramifiées; grâce à elles, le cartilage contient 75 % d’eau. Elles contrôlent la déformation du cartilage soumis à une pression (comme quand on compresse une éponge). Les proteoglycanes sont formées de sulfate de chondroïtine et de sulfate de keratane liés à une épine d’acide hyaluronique. Elles sont stabilisées par des protéines de liaison: les agrécanes. Et il y a bien sûr les chondrocytes qui sont les cellules qui réparent le cartilage en fabriquant collagène et proteoglycanes.
Phénomène arthrosique :
Malheureusement, dans l’arthrose, comme on l’a vu, le chondrocyte détruit le collagène et les proteoglycanes, sans pouvoir en fabriquer de nouveau. Sans cartilage, soumise a une inflammation chronique, l’articulation devient raide et fait souffrir: c’est l’arthrose. Pourquoi un chondrocyte, jusqu’ici garant de la bonne santé de l’articulation, se met-il à devenir son ennemi ?
Le chondrocyte qui change de comportement réagit de deux manières : il s’excite, génère des composés inflammatoires qui entraînent la destruction du cartilage et s’accompagnent de douleurs articulaires ; il devient peu à peu incapable de synthétiser les constituants du cartilage comme il le faisait jusqu’ici. Les débris articulaires qui apparaissent dès les premières lésions entretiennent aussi la surexcitation, car ils attirent des cellules nettoyeuses qui produisent elles-mêmes des médiateurs inflammatoires qui vont exciter les cellules du cartilage. La membrane synoviale s’abîme alors et s’épaissit.
Quatre causes principales :
- 1. 15 à 20 % des cas d’arthrose après 55 ans s’expliqueraient par un terrain génétique.
- 2. Ensuite, tous les traumatismes articulaires, petits ou graves, sont une cause majeure d’arthrose : Les articulations du doigt et du poignet chez les personnes qui travaillent sur clavier, celles de la main ou du coude chez les musiciens, celles du genou et de la colonne vertébrale chez les footballeurs et les rugbymen. En réponse à un traumatisme articulaire, en effet, les chondrocytes s’excitent: quelques décennies plus tard apparaît la douleur, tandis que le cartilage a été largement détruit.
- 3. A ces traumatismes s’ajoute la rupture des grands alignements. Avec l’âge, les vertèbres et les membres perdent leur alignement d’origine. C’est vrai pour les vertèbres cervicales et lombaires, les hanches, le fémur et l’ensemble tibia-péroné : Ce désalignement modifie les surfaces de contact: la pression dans l’articulation n’est plus répartie uniformément. Il se forme des zones de pression importantes (focales) à côté de zones de pression faibles. Ainsi pourront se développer une arthrose cervicale, une coxarthrose (arthrose de la hanche) et bien sûr une arthrose du genou.
- 4. Enfin le surpoids est aussi à l’origine de la surexcitation du chondrocyte, en particulier dans le genou ou la hanche, à cause de la pression qui s’exerce sur l’articulation. Des chercheurs ont montré que dans une articulation soumise à une pression excessive, les chondrocytes réagissent par une surexcitation.
Le processus de disparition du cartilage s’enclenche alors :
Le chondrocyte crache aussi des enzymes appelées métalloprotéinases qui sont chargées de dégrader les grosses molécules du cartilage devenues inutiles ou trop usées. Mais il en fabrique beaucoup trop et ces enzymes digèrent littéralement le cartilage. C’est ainsi que jour après jour, en silence, disparaît le cartilage de vos articulations…
La destruction du cartilage ne serait pas trop dramatique si les chondrocytes remplaçaient ce cartilage détruit. Mais à cause de l’inflammation, ils deviennent incapables de synthétiser le collagène et surtout les proteoglycanes qui assurent un cartilage souple et élastique. Pour faire des proteoglycanes, les ≪éponges≫ du cartilage, le chondrocyte utilise normalement un sucre, le glucose, auquel il fait subir plusieurs réactions enzymatiques avant de l’incorporer au cartilage. Mais dans l’arthrose, le chondrocyte ne parvient plus à transformer le glucose correctement. Pourquoi? Tout simplement parce que les enzymes dont il a besoin ont été bloquées par l’inflammation.
La deuxième partie de cette article se trouve sur notre blogue.