Anahite Afshar
Nutrition
Avez-vous entendu parler de la semaine « Le poids ? Sans commentaire ! » ?
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Inspirée de la « Fat Talk Free® Week » (1) américaine, cette campagne est une initiative de l’organisme ÉquiLibre qui a pour mission de prévenir et diminuer les problèmes liés au poids et à l’image corporelle dans la population, par des actions encourageant et facilitant le développement d’une image corporelle positive et l’adoption de saines habitudes de vie (2).
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Ainsi, chaque année, au mois de novembre, la semaine « Le poids? Sans commentaire! » a pour but de sensibiliser la population québécoise à l’omniprésence et aux conséquences négatives des commentaires sur le poids.
L’omniprésence des commentaires sur le poids
Dans cette société du paraître, où l’apparence physique domine nos vies, il est commun de parler du poids, qu’il s’agisse du nôtre ou de celui des autres. Il ne faut pas penser que ces commentaires sont innocents et sans impact, car dans tous les cas, ils participent à la construction d’idéaux de beauté irréalistes.
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On sait depuis longtemps que les médias, de manière générale, véhiculent ces idéaux, entre autres à travers une faible représentation de la diversité corporelle ainsi que des images retouchées.
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Les médias sociaux, quant à eux, contribuent également largement aux problèmes d’image corporelle de la société. Il suffit de penser à tous les « selfies », triés, filtrés, retouchés et publiés sur les réseaux sociaux, bombardés de « like » et de « cœur », suivis d'une multitude de commentaires sur l’apparence. Par ailleurs, les commentaires sont loin de toujours être des compliments, il y a de nombreuses attaques verbales sur les réseaux sociaux, où les personnes en surpoids, particulièrement stigmatisées, sont fréquemment victimes de messages agressifs (3).
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Cependant, commenter l’apparence de quelqu’un, en particulier son poids, négativement ou même positivement d’ailleurs, peut avoir un impact négatif sur l’estime de soi. On ne réalise pas à quel point un commentaire, qui nous semble anodin, peut avoir des répercussions négatives sur le bien-être d’une personne.
Des conséquences négatives
Pourquoi une nutritionniste parle-t-elle d’image corporelle ? Parce qu’on sait qu’une plus faible estime de soi est associée à des comportements alimentaires malsains, voire des troubles alimentaires.
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Il y a tout d’abord les commentaires que nous émettons sur notre propre corps : ceux-ci sont les plus fréquents, les plus critiques et surtout les plus dommageables à notre bien-être. Qu’ils soient dits à voix haute à nos proches ou qu’ils restent dans notre tête, ce discours négatif peut entraîner une détérioration de l’estime de soi et une augmentation des comportements malsains (ex. : s’isoler, éviter certaines activités sociales qui impliquent manger ou de dévoiler son corps, camoufler son corps ou des parties de son corps avec des vêtements amples, se peser fréquemment, faire du sport à outrance, faire des régimes alimentaires, compter ses calories, se restreindre, avoir des compulsions alimentaires, etc.)
En particulier chez les enfants
Comme bien des choses dans la vie, tout part de l’enfance. Il faut être particulièrement prudent au discours qu’on tient devant les enfants : un commentaire sur leur poids, sur le nôtre ou sur celui d’autrui peut les marquer profondément et forger des idées qui resteront ancrées longtemps.
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Dans une étude américaine menée auprès de 4746 adolescents, le harcèlement au sujet du poids corporel était systématiquement associé à une faible satisfaction corporelle, à une faible estime de soi, à des symptômes dépressifs élevés et à des pensées suicidaires, et ce, même après le contrôle du poids corporel (4).
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Une tendance à développer des troubles de comportements alimentaires a été observée chez les jeunes qui reçoivent des commentaires blessants sur leur poids, que ça soit de la famille, des proches ou des paires, et ces comportements persistent même des années après les taquineries mesquines (5).
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Cependant, même lorsque les intentions derrière les commentaires ne sont pas mauvaises, il peut y avoir des répercussions négatives.
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Une étude américaine menée auprès de 365 adolescentes a montré que les commentaires sur le poids et les comportements alimentaires des parents ont été associés à un certain nombre de problèmes liés au poids chez les filles. Les commentaires des parents sur leur propre poids, les parents qui suivent des régimes, les commentaires sur le poids de leur fille, les taquineries, de même que les encouragements à suivre un régime, en particulier de la part des mères, ont été associées à un IMC plus élevé, de l’insatisfaction corporelle, des comportements malsains et extrêmes en matière de contrôle du poids et des troubles de comportements alimentaires chez les filles. Dans aucun cas, les discussions sur le poids des parents, les régimes amaigrissants des parents et les taquineries familiales n'ont été associés à de meilleurs résultats chez les filles (6).
Et les commentaires positifs ?
Même lorsque les commentaires sur le poids se veulent positifs, il peut y avoir des conséquences négatives.
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Par exemple, féliciter une personne sur sa perte de poids peut avoir des effets pervers sur l’image corporelle.
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Dans le cas où la perte de poids serait volontaire, encourager la perte de poids implique que la personne n’était pas adéquate avec ses quelques kilos de plus et peut entraîner une peur de reprendre du poids.
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Dans le cas où la perte de poids serait involontaire, pire dans le cas où la dépression, les troubles alimentaires ou autres maladies aurait causé la perte de poids, ce « compliment » envoie le message que la personne parait mieux lorsqu’elle ne va pas bien.
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Les intentions ne sont évidemment pas mauvaises, mais témoignent d’une mentalité axée sur l’image et non le bien-être.
La solution ? Arrêtons tout simplement de parler du poids.
L’idée n’est pas de faire du poids un sujet tabou, il est clair et net que notre société à un problème de poids. Cependant, mettre l’accent sur le poids, stigmatiser les individus ou glorifier la minceur est non seulement inutile, mais surtout contre-productif et contribue au problème. L’objectif est donc d’apprendre à parler différemment du corps, et ce, de manière bienveillante. Il est possible de complimenter nos proches sur d’autres aspects que leur poids ou leur apparence.
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Peu importe le poids, la forme ou l’apparence, notre corps nous permet d’accomplir de grandes choses, de ressentir des émotions positives et de vivres des moments agréables, il serait temps de l’apprécier.
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Pour en apprendre davantage, je vous invite à consulter le site www.lepoidssanscommentaire.ca.
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Et si vous désirez améliorer vos comportements alimentaires en lien avec votre image corporelle, n’hésitez pas à consulter une nutritionniste.
Anahite Afshar, Dt.P, M.Sc
Références
1. Tri Delta : https://www.ucitridelta.org/fat-talk-free-week
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2. ÉquiLibre: http://www.equilibre.ca/
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3. Yongwoog et al. Weight Stigma Goes Viral on the Internet: Systematic Assessment of YouTube Comments Attacking Overweight Men and Women. Interact J Med Res. 2018 Jan-Jun; 7(1): e6.
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4. Eisenberg et al. Associations of Weight-Based Teasing and Emotional Well-Being Among Adolescents. Arch Pediatr Adolesc Med. 2003. 157:733-738
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5. Eisenberg et al. Associations between hurtful weight-related comments by family and significant other and the development of disordered eating behaviors in young adults. Behav Med. 2012 October; 35(5): 500–508. doi:10.1007/s10865-011-9378-9.
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6. Neumark-Sztainer et al. Family weight talk and dieting: How much do they matter for body dissatisfaction and disordered eating behaviors in adolescent girls? J Adolesc Health. 2010 September; 47(3): 270–276. doi: 10.1016/j.jadohealth.2010.02.001.